#TêteLibre : comment l’IBSR a glissé de la « sensibilisation » à l’obligation

Où il est question de contrevérités et de questions sans réponse au sujet d’un prétendu lobby automobile et d’une fausse bonne idée.

Un dialogue s’établit entre l’IBSR et Zinnebike. Indirect, certes, mais bien réel. Suite à mon précédent post en forme de charge le sabre au clair contre un lobby qui continue d’avancer sous la bannière du désintéressement (L’IBSR: lobby auto, anti-vélo), la presse quotidienne nationale a forcé l’institut à réagir.

Capture d_écran 2017-03-08 à 09.55.53Dans une interview à La Libre Belgique, le porte-parole de cette noble institution dit avoir « vite regardé ce blog ». (Oui oui, celui-ci!, ne boudons pas notre plaisir.) Certes, @BenoitGodart ne s’est pas abaissé à répondre à mes interrogations sur les motivations de l’IBSR :

  • Pourquoi ne s’affiche-t-il pas comme lobby auto ?
  • Une obligation du port du casque va-t-elle doper les bénéfices de son « Laboratoire casques » ?
  • Y a-t-il un lien entre sa campagne sur le casque et la campagne identique menée par son partenaire Volvo aux Pays-Bas ?

Mais l’intervention du porte-parole dans la presse nous tend un fil d’Ariane qu’on s’empresse de suivre pour en comprendre davantage sur la manière dont cet « institut » opère.

Mais first things first, comme on dit chez les collègues qui roulent à gauche. Voyez plutôt ce que la voix de l’IBSR répond à la question de @BErpicum, de La Libre Belgique, au sujet de mon attaque en règle :

blogueur

Plusieurs choses, mais avant tout: le genre de cycliste que je suis vous dit merci – Merci toi d’être toi.

Je note que vouloir faire du vélo cheveux au vent comme on le fait depuis l’invention de la bicyclette est une « position extrême ». Car à part cela, je ne pense pas avoir pris de position définitive sur quoi que ce soit. À moins que le porte-parole fasse référence à l’état de son employeur ? C’est vrai, je souligne que le capital fixe de l’IBSR est détenu à 60% par un lobby automobile et qu’à ce titre on peut douter de son total désintéressement. Est-ce cela qui ferait de moi un extrémiste ? Un éclaircissement du porte-parole sur ce point aurait été bienvenu. Malheureusement il esquive.

« Nous préférons la sensibilisation »

S’agissant des contrevérités, je me ferais un plaisir de les corriger si M. Godart (ou toi cher lecteur, si tu n’es pas M. Godart) en faisait une liste précise.

Mais qu’on me permette de ne pas retenir la seule qu’il avance.  « Ce n’est pas vraiment nouveau que l’IBSR se montre en faveur de l’obligation », souligne la voix de l’institut, qui assure que cette position avait déjà été adoptée en 2014. Benoit Godart fait je pense référence à cette phrase du post IBSR: lobby auto, anti-vélo :

« Qui est cet Institut qui décide tout à coup de se lancer dans une campagne pour le bien-être des jeunes cyclistes ? »

Je n’ai trouvé nulle part trace d’une campagne de l’IBSR en faveur du port du casque en 2014. Par contre, j’ai retrouvé un article du @LeSoir sur la proposition de la ministre de la Mobilité de l’époque, Jacqueline-Je-Vous-Dis-Merde-Galant, de rendre le casque obligatoire chez les jeunes. « Nous préférons la sensibilisation », réagissait alors Benoît Godart. On était le 27 décembre 2014, mais peut-être le porte-parole a-t-il changé de position avant le 1er janvier ? (1)

Vous me direz: on chipote, revenons au fond Gaston.

Quand l’IBSR s’est-elle vraiment fait son idée sur la question ? Je n’en sais rien, je serais heureux de l’apprendre, mais là n’est pas le noeud du problème. Je suis opposé à une interdiction de faire du vélo la tête libre, et je m’attache à souligner que « l’Institut belge pour sa sécurité routière » qui met ce point à l’agenda médiatique n’est pas désintéressé dans ce débat.

La fabrication du consentement

Mais revenons sur cet article du « Soir » de fin 2014. « Nous préférons la sensibilisation », disait Benoît Godart. La suite est plus intéressante parce qu’il ajoutait : « L’adhésion sociale n’est pas énorme actuellement. Selon nos enquêtes, à peine 30% des cyclistes seraient favorables à l’obligation. »

C’est intéressant parce que la campagne que l’IBSR vient de lancer s’appuie précisément sur un nouveau sondage selon lequel « 6 Belges sur 10 sont en faveur d’une obligation du port du casque » pour les moins de 14 ans.

Vous ne remarquez rien ?

Ce n’est plus du consentement des cyclistes dont il est question, mais de celui des Belges – automobilistes, skateboarders et gyropodeurs compris. Tendez le micro à un automobiliste coincé dans ses bouchons, il vous servira sur un plateau un avis bien tranché sur la sécurité de ses amis les cyclistes.

Dans son communiqué pour l’interdiction aux enfants de faire du vélo la tête libre, l’institut souligne que « la moitié des personnes interrogées soutiennent une obligation généralisée du casque » pour les cyclistes. Et comme si ça pouvait servir son argumentaire, l’IBSR souligne encore que les Wallons sont particulièrement convaincus du bien fondé d’une obligation généralisée (67%). Merci m’fi !

À ce train là c’est clair : encore un peu de « sensibilisation » et on atteindra bientôt les 2/3 de Belges convaincus. L’IBSR n’aura plus qu’à déclencher son plan de com’ « casque pour tous ». En recyclant cette punchline imparable : « Les cyclistes ont obtenu beaucoup de droits, il faut aussi pouvoir accepter certaines obligations. » 

Mais attendez, elle s’emballe là, Madame Irma. Revenons à nos lardons : le casque obligatoire pour les moins de 14 ans ?

S’il suivait une logique de sécurité, l’IBSR ne s’en prendrait-il pas aux cyclistes seniors avant de cibler les enfants ? Selon ses propres chiffres, les 65 ans et plus forment le gros du peloton des victimes d’accidents graves/mortels à vélo (2). (Contrairement aux mouflets, les soixante-huitards risqueraient de ne pas se laisser faire et ils auraient raison.)

S’il suivait une logique de sécurité, l’IBSR ne demanderait-il pas aux automobilistes de mettre un casque à leurs enfants avant de cibler les cyclistes ? Les accidents de voiture occasionnent plus souvent des traumatismes crâniens que les accidents de vélo.(3)

S’il suivait une logique de sécurité, l’IBSR ne commencerait-il pas simplement par se lancer dans un combat pour la généralisation des zones 30 en agglomération ? Ce serait de loin la mesure la plus efficace pour augmenter la sécurité de tous, et des cyclistes et piétons en particulier. En attendant le lent downloading des infrastructures que la mobilité douce mérite.

@Zinnebike

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(1)

Michel De Muelenaere, « Imposer le port du casque à vélo: le débat reliance », Le Soir, 27 décembre 2014.

(2)

C’est l’IBSR qui le dit dans cette étude de 2015 : « Les seniors à vélo sont grandement surreprésentés dans les graves accidents corporels : près de la moitié des cyclistes tués ont plus de 65 ans. »

(3)

Cette étude française et montre qu’en cas d’accident, les automobiliste étaient 24% à être blessés au crâne contre 17% des cyclistes. Cette étude allemande et relève que les accidents de la route représentent 26,3% des traumatismes crâniens. Dont 12% d’automobilistes, 9% de cyclistes, 3% de piétons et 2% de motards.

3 réflexions sur « #TêteLibre : comment l’IBSR a glissé de la « sensibilisation » à l’obligation »

  1. Bonjour ami(e) de la pédale et des z’enfants,
    sans compter que nos z’amis (désintéressés) les assureurs automobiles ne manqueront pas de se défausser en cas d’accident: « pas de casque? Espèce de parent iconoclaste, tu rembourseras toi-même l’enfantine carcasse ».

    Amitiés cyclopédiques

    Daniel

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      1. Extraits de ladite étude :
        « En l’absence d’une base de données exhaustive sur les accidents de bicyclette […] »
        « Les informations statistiques disponibles ne permettent pas d’identifier le nombre des accidents touchant des cycles équipés de sièges de vélo. »

        Bref, les autorités ne se donnent pas les moyens de savoir exactement ce qui se passe. On peut toujours ouvrir le parapluie et se dire qu’un casque ça protège le crâne, ça ne mange pas de pain (rassis).

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